Elle fut la reine incontestée de l’Art Déco, déployant comme le drapé de ses robes entre deux bouffées de cigarette, Bugatti pleins gaz, une assurance insolente que ses œuvres mythiques, aux angles durs et aux couleurs crues, sont longtemps venues renforcer, comme un trompe-l’œil.
Mais qui était vraiment Tamara de Lempicka ? Figure emblématique s’il en fut du Paris des années 1920, elle est apparue comme un astre sur la scène nocturne et artistique d’une capitale alors en ébullition. Mais de ses origines – polonaises ? –, de son âge – demeuré un mystère – comme de son identité profonde – sexuelle, notamment –, l’on ne s’est souvent cantonné qu’à la légende qu’elle a elle-même savamment contribué à entretenir, entre non-dits et travestissements.
Derrière l’icône au regard perçant, pourtant, une fragilité se fait jour, marquée par de terribles moments d’abandon, tantôt recherchés, tantôt subis… et qui chaque fois la précipitent dans l’ombre.
C’est là, dans le Paris brumeux des petits matins, dans les recoins d’une chambre de fortune, ou à proximité d’un téléphone devenu un jour silencieux, que Tatiana de Rosnay a choisi d’aller la chercher. « Qui es-tu, Tamara ? » s’interroge-t-elle, dans l’angle mort des miroirs où la femme et l’artiste se sont tant scrutées avant de s’y diluer, à l’instar du motif de ses toiles.
S’adressant à elle à la deuxième personne, ses mots sublimés par le regard sensible, hypersensible, de sa propre fille Charlotte Jolly de Rosnay, photographe, la romancière livre ici un récit puissant, à mille lieues d’une biographie classique, confirmant en cela un talent révélé en 2015 avec Manderley for ever (150 000 exemplaires vendus), où elle suivait les traces de Daphne du Maurier, sa muse en littérature.